Ces derniers mois, les scientifiques ont commencé à prendre part au débat public de plus en plus fréquemment. Pour se faire entendre, ils ont manifesté leur inquiétude à l’égard de l’urgence écologique par un appel à la désobéissance civile lancé dans une tribune au Monde. Quelques jours plus tard, ces mêmes experts s’exprimaient à nouveau dans Collapsus, Changer ou disparaître ? Le vrai bilan sur notre planète. Quarante spécialistes se sont alors réunis afin de faire un diagnostic de l’état de l’environnement, avec pour objectif de sensibiliser l’opinion publique. La question est donc : pourquoi les scientifiques ont-ils décidé de s’impliquer dans le débat public ?
La collapsologie comme point de départ
La terminologie « collapsologie » a été largement utilisée ces dernières années. En 2015, Raphaël Stevens et Pablo Servigne, auteurs de Comment tout peut s’effondrer, ont proposé une définition précise de ce terme : une approche pluridisciplinaire qui analyse les risques systémiques et la convergence de toutes les crises (climatiques, écologiques, biogéophysiques, économiques). Toutefois, au fil du temps, le sens de ce mot a changé et son usage s’est étendu pour recouvrir des fantasmes catastrophistes et post-apocalyptiques. Selon Laurent Aillet, expert en risques : « le mot effondrement a un double sens : à la fois une action à entreprendre et un résultat à atteindre. Si on l’utilise sans précision, chacun projette ses propres espoirs et craintes ».
L’enquête kaléidoscopique nommée Collapsus se donne pour objectif d’établir une définition commune sur les risques que court notre société. En effet, on y trouve une liste des menaces qui pèsent sur nous : le réchauffement climatique, les pollutions globales, la guerre de l’eau, les migrations... Toutes ces questions étant regroupées sous le terme « d’effondrement global de la civilisation », un concept que certains ont déjà anticipé.
Relier les disciplines scientifiques entre-elles pour comprendre les enjeux
Arthur Keller, spécialiste des risques systémiques et des stratégies de résilience, explique que la collapsologie, étude transdisciplinaire, demande une approche scientifique pour faire un état des lieux systémique. Pour cela, il est nécessaire d’une part de faire appel à une ou plusieurs disciplines scientifiques spécifiques, et d’autre part de relier entre eux les points entre les silos disciplinaires pour avoir une vision d’ensemble. Cependant, selon lui, 90 % des personnes, y compris des scientifiques, perdent le fil à ce stade.
Nous devons ensuite aborder les effets que nos sociétés pourraient subir. Ce qui nécessite l’intervention d’une multitude d’autres disciplines, allant des sciences dures aux sciences humaines (philosophie, sociologie, prospective…). « Nous quittons à présent le domaine scientifique », affirme Arthur Keller, qui faisait partie des auteurs de Collapsus et des signataires de la tribune du Monde. De toute façon, même si l’on partage le constat, cela ne signifie pas que nous prenons en considération l’idée d’un effondrement possible. Cette idée n’est pas acceptée par de nombreux chercheurs qui sont qualifiés de « solutionnistes ».
Laurent Aillet observe qu’il y a une sorte de taylorisation de la pensée dans le monde scientifique. Les scientifiques sont experts et connus dans un domaine précis et limité, et ont du mal à aborder des sujets hors de leur champ de compétence. Ainsi, si un climatologue s’exprime sur la biodiversité, il se retrouve à nouveau simple citoyen donnant son avis.
Les scientifiques ont leurs rôles à jouer dans le débat public
Le rôle du scientifique est un sujet de débat. Doit-il ou non partager son point de vue ? Arthur Keller a une vision claire à ce sujet : « Ceux qui soutiennent le statu quo et qui ne souhaitent pas le changement, prétendent que les scientifiques doivent rester dans leur zone de confort, être neutres et se contenter de fournir des informations. Mais dès qu’un scientifique s’aventure sur le terrain politique, sa crédibilité est remise en question. »
En public, ils protègent leur image, mais en privé, l’atmosphère est différente. Selon Laurent Aillet, « ils font part de leurs inquiétudes ». Ce sont des climatologues ou biologistes qui, suite à un « oh shit ! moment » (expression anglaise pour décrire une prise de conscience) et une prise de position publique, étaient considérés jusqu’à présent comme des solitaires ou des extrémistes.
Arthur Keller le souligne : nous sommes sur le Titanic, et il est en train de couler. Les scientifiques ne peuvent pas ignorer le problème qui se pose à eux, car ils sont également à bord. Les conséquences de cette crise sont désastreuses et aucune solution n’est en vue.
Les prévisions du Giec sont de plus en plus inquiétantes et la disparition de la biodiversité s’accélère. Comme le dit Laurent Aillet, « le réel avance » : le risque devient réalité. Peu importe que les scientifiques se revendiquent ou non collapsologues, ils sont impuissants face à cette menace.
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