Les passoires thermiques, un fléau tant environnemental que social

Il existe en France 4,8 millions de logements qui sont considérés comme des « passoires thermiques », soit près de 17 % du parc. Ces maisons ou appartements, classés de E à G selon le Diagnostic de Performance Énergétique (DPE), sont difficiles à chauffer. Une rénovation intégrale permettrait à des millions de ménages de se sentir mieux. C’est essentiel pour plusieurs raisons. Selon une enquête du médiateur de l’énergie, 15 % des Français ont déclaré avoir souffert du froid pendant l’hiver 2019 et leur mauvaise isolation a été la principale raison.

Un impact environnemental indéniable

Une étude du réseau Cler pour la transition énergétique a révélé que la rénovation des logements classés F et G pourrait « économiser » 6 millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère chaque année. Bien que cela soit inférieur aux chiffres du transport aérien (23,4 millions de tonnes de CO2 produites par l’aviation en France en 2019), cela contribuerait à réduire l’impact du bâtiment sur le réchauffement climatique, lequel est responsable d’environ 20 % des émissions de gaz à effet de serre du pays. Ces émissions sont principalement dues aux systèmes de chauffage, de climatisation et d’appareils de cuisson.

Un lourd problème social en France

Franck Billeau, dirigeant du réseau Eco Habitat, souligne que les passoires thermiques sont à l’origine de coûts sanitaires élevés à hauteur de 750 millions d’euros par an. De nombreuses personnes choisissent de ne pas chauffer pour éviter des dettes financières. Sandra en fait partie. Elle parvient à contenir ses factures de gaz et d’électricité à environ 130€ par mois mais cela l’oblige à fermer complètement le chauffage la nuit et à souffrir de sinusites et de maux de tête réguliers.

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Céline, âgée de 70 ans et résidente de Marseille, sait de quoi il en retourne concernant un logement mal isolé. Les factures sont une source de stress pour elle et elle a été bouleversée lorsqu’elle a reçu la sienne : elle devait payer 2 200 euros de régularisation annuelle avec seulement 600 euros de revenus mensuels et sans épargne. Après avoir pris des anxiolytiques et s’être privée de nombreuses choses, elle a réussi à solder cette somme, mais elle a mis du temps à s’en remettre. Aujourd’hui, elle a peur de mettre le chauffage et elle a donc souvent froid.

Aides à la rénovation parfois compliquées

Il existe pourtant des aides pour les propriétaires qui souhaitent rénover leur logement et à partir de 2023, les logements les plus gourmands en énergie (plus de 450 kW/h) ne pourront plus être mis en location. Malheureusement, l’accès à ces aides est parfois compliqué et les ménages les plus modestes ne peuvent pas toujours en bénéficier.

Le 1er janvier 2022, le gouvernement a mis en place la plateforme « France Renov », offrant des aides plafonnées à 30 000 euros et couvrant jusqu’à 50 % des travaux d’amélioration. Bien que cette avancée ait été saluée par de nombreuses associations, le reste à charge reste conséquent car les travaux de rénovation énergétiques peuvent facilement atteindre des dizaines de milliers d’euros. Danyel Dubreuil, coordinateur de l’initiative citoyenne Renovons au sein du réseau Cler pour la transition énergétique, déclare que les ménages modestes qui ne peuvent économiser qu’une dizaine d’euros par mois pour des travaux sont particulièrement à la peine. De même, Hélène Denise, chargée de plaidoyer à la fondation Abbé Pierre, souligne que le manque d’aides locales rend impossible leur financement.

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Les aides locales peuvent être difficiles à trouver et à demander. Franck Billeau décrit cela comme « un millefeuille administratif« . Il y a des aides disponibles à différents niveaux et cela peut être très compliqué à comprendre, même pour les conseillers. Selon une enquête réalisée par la Fondation Abbé Pierre, 62% des contacts sur les espaces de conseil n’aboutissaient à aucune recommandation et les employés oubliaient parfois certaines aides. Ainsi, des associations prennent le relais et peuvent utiliser jusqu’à dix aides différentes pour financer les travaux, mais il reste toujours une partie non couverte, entre 5 et 10%.

La nécessité d’une mobilisation politique

Pour résoudre ce problème, il serait idéal d’avoir un guichet unique qui réunissent toutes les aides en un seul endroit. Cependant, Franck Billeau n’y croit pas trop, car il faudrait que les différents acteurs administratifs soient coordonnés et que les sensibilités politiques soient prises en compte.

La rénovation est une urgence pour de nombreux acteurs du secteur. Pour protéger les ménages à faible revenu, l’État a mis en place un bouclier tarifaire qui coûtera environ 16 milliards d’euros. Selon Danyel Dubreuil, cet argent aurait dû être alloué pour des rénovations il y a des années. Les associations voient la transformation des passoires thermiques comme une solution à la fois pour le bien-être des gens et pour réduire leurs dépenses.


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