L’impossible choix d’une communauté minière péruvienne entre économie locale et survie de la population

La ville minière de La Oroya, dans le centre-ouest du Pérou, est l’une des endroits les plus pollués dans le monde. De 1922 à 2009, une fonderie de métaux était le centre de la ville, dégageant des fumées toxiques et empoisonnant les habitantsDepuis la fermeture de la fonderie, la santé de la population locale s’est améliorée. Cependant l’économie et la qualité de vie se sont détériorées. La ville est maintenant confrontée à une décision : donner la priorité à leur santé ou à leur capacité à survivre ?

L’un des endroits les plus pollués de la planète

En 2011, La Oroya a été classée deuxième ville la plus polluée au monde. Elle est tombé à la cinquième place deux ans plus tard, selon le Blacksmith Institute, ONG qui travaille sur les questions de pollution. La ville a côtoyé sur la liste l’Ukraine, souillée par le nucléaire de Tchernobyl et Dzerzhinsk en Russie, le site de l’époque de la guerre froide produisant des armes chimiques.

Selon la Fédération internationale des droits de l’homme, plus de 97 % des enfants de La Oroya âgés de 6 mois à 12 ans présentaient des niveaux élevés de métaux lourds dans leur sang en 2013. « Ceux d’entre nous qui ont vécu ici toute leur vie ont été malades de la grippe et de la bronchite, d’infections respiratoires », explique Manuel Enrique Apolinario, enseignant à la retraite. Des tests médicaux ont montré que le corps de Manuel contient des niveaux élevés de plomb, d’arsenic et de cadmium, tous toxiques pour les humains.

Les gens contre les pollueurs

En 2006, les habitants de La Oroya ont poursuivi le gouvernement péruvien devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme pour avoir permis à la fonderie de polluer à volonté. Lors des audiences, les résidents ont raconté comment ils avaient lutté contre les brûlures de la gorge et des yeux, les maux de tête et les difficultés respiratoires. D’autres ont parlé de tumeurs, de problèmes musculaires et d’infertilité qu’ils ont imputées la pollution des fonderies.

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En 2021, la commission a constaté que l’État n’avait pas réglementé et supervisé le comportement de la société minière. « Il a compromis son obligation de garantir les droits de l’homme ».

Pourquoi les habitants souhaitent-ils la réouverture de la fonderie ?

La ville andine, située dans une haute vallée à 3 750 mètres d’altitude, est un lieu gris et désolé. Petites maisons et boutiques – beaucoup abandonnées – se regroupent autour d’imposantes cheminées noires. Elles sont entourées de pentes montagneuses cendrées rongées par les métaux lourds et longtemps dépourvues de végétation. En 2009, la gigantesque fonderie qui était le cœur économique de La Oroya a fait faillite, forçant les habitants à partir en masse et mettant le commerce local à genoux.

En octobre, les nouveaux propriétaires du complexe métallurgique ont annoncé leur intention de rouvrir l’usine. Ils affirment qu’il fonctionnera « avec une responsabilité sociale et environnementale ». De nombreux habitants se sont félicités de cela, espérant que cela pourrait redonner vie à l’économie. « La grande majorité de la population est impatiente et attend depuis longtemps que cela reprenne, car c’est la source de la vie, la source économique », explique Hugo Enrique, chauffeur de taxi de 48 ans.

Mais à quel prix ? La fonderie a été ouverte en 1922, nationalisée en 1974, puis privatisée en 1997 lorsque la société américaine de ressources naturelles Doe Run l’a reprise. En juin 2009, Doe Run a interrompu les travaux après avoir omis de se conformer à un programme de protection de l’environnement et s’est déclarée en faillite.

Maintenant, malgré le nombre important d’habitants accusant Lima et Doe Run de fermer les yeux sur les effets néfastes, 1 270 anciens employés veulent rouvrir la fonderie en mars prochain. Leur vœu : ne pas polluer. « Ceux d’entre nous qui ont lutté contre la pollution ne se sont jamais opposés à l’existence de l’entreprise. Qu’elle rouvre avec un plan environnemental », lance Pablo Fabian Martinez, 67 ans, qui habite à proximité du site. « Je veux qu’elle rouvre car, sans l’entreprise, La Oroya a perdu toute son économie », a ajouté Rosa Vilchez, une femme d’affaires de 30 ans dont le mari est parti travailler dans une autre ville après la fermeture.

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Regardez la vidéo ci-dessus pour en savoir plus.


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